Agriculture et citoyenneté : la question alimentaire
La question alimentaire n'est certes pas le seul lien entre citoyenneté et agriculture mais elle y contribue fortement. L'acte d'achat des produits alimentaires est un marqueur d'une forme de citoyenneté. Le choix entre tel ou tel autre produit même s'il est aussi conditionné par des facteurs économiques, des facteurs sociaux liés à l'éducation, aux habitus ou aux médias n'a pas seulement à voir avec la nutrition, mais aussi avec l'image que l'on se fait de nous-même en tant que mangeur. Mangeur sensible aux produits (animaux / végétaux, modes de production), mangeur sensible aux qualités des produits (gustatives, organoleptiques, symboliques), mangeur sensible aux saisonnalités, aux temporalités (le court / le long ; le rapide / le lent) et spatialités (le loin / le proche).En fonction des réponses à ces questions/sensibilités, si se nourrir c'est se procurer les bonnes doses de nutriments ou s'il s'agit de faire relation avec autrui, les productions et pratiques agricoles mobilisées vont être différentes, leur durabilité également. Et justement, l'agro-écologie pour la resituer dans le débat citoyen â?? ne s'arrête pas à la question de la production mais intègre totalement la question des systèmes alimentaires durables (Gliessman, Léger).
Différentes conceptions
Il existe différentes conceptions des pratiques agricoles en termes de durabilité, selon que les agricultures envisagent des changements plus ou moins radicaux dans les pratiques agricoles "conventionnelles" et qu'elles intègrent ou non la question des systèmes alimentaires.Samuel Féret & al, il y a près de 20 ans, distinguaient trois grands modèles/paradigmes de l'agriculture occidentale : vivrier / productiviste (non durable) / durable, selon 5 critères : modalités techniques / mode de rapport à la nature / mode d'organisation socio-économique / fonction sociale / impacts sociaux et territoriaux. Ils pointaient les ruptures entre ces trois grandes visions.
En termes de durabilité agricole, M. Altieri, S.R. Gliessman, P.M. Stassart ou F. Léger distinguent quant à eux deux grandes conceptions de l'agro-écologie (fig. 1) :
- La première s'inscrit dans une logique biotechnologique qui envisage l'accroissement de la production et la réponse aux exigences de qualité et de sécurité sanitaire des marchés globaux. Il s'agit alors que l'acte technique, l'itinéraire technique, soit le moins impactant possible pour l'environnement, sans pour autant en questionner le sens.
- La seconde s'inscrit dans une logique qui vise un accroissement des capacités socio-environnementales à re-naturaliser le système alimentaire. Elle vise une redéfinition des objectifs stratégiques et interroge la totalité des itinéraires et des actes techniques. C'est une démarche qui engage une transformation du projet personnel, de la lecture du contexte, de celle des ressources, voire de la façon dont se définit l'identité et le statut de l'acteur.
Ces deux conceptions renvoient à deux conceptions de la durabilité déjà abordées dans cette ressource: une durabilité faible / une durabilité forte (fig. 1). A l'échelle territoriale, les premières conceptions donnent une diversité de pratiques juxtaposées ; les secondes, des formes d'agricultures coordonnées tendant vers des pratiques de plus en plus agro-écologiques, durables.
Figure 1 - Illustration d'une durabilité faible ou forte en agriculture
Pour aider à s'y retrouver en termes de transitions vers des pratiques plus durables (agro-écologiques), François Léger situe des grands types de pratiques agricoles selon deux caractéristiques majeures (fig. 2a) :
- les voies empruntées/privilégiées en vue du changement : performance technique / services écosystémiques / lien au territoire.
- le niveau de changement engagé par rapport à des pratiques dites « conventionnelles » (ou productivistes) : incrémental (ou efficience), c'est-à-dire en améliorant à la marge le système agricole en place sans en questionner les fondements / substitution (changement d'un élément du système, d'un sous-système, mais toujours sans questionner le système global) / rupture avec le système conventionnel vers une reconception agro-écologique globale
Selon Léger, la voie de la « performance technique » ne peut mener qu'à de l'efficience (durabilité faible) tant le modèle de raisonnement « conventionnel » n'est pas questionné. Les voies « services écosystémiques » et « lien au territoire » sont plus prometteuses et permettent, pour quelques « familles », d'atteindre une durabilité forte. La cartographie qu'il dessine ainsi ne doit pas être considérée comme figée, mais comme une boussole pour mieux repérer les possibles et leur gradient de durabilité potentiel (différentes familles se réclamant de l'agro-écologie), mais aussi peut-être pour tracer sa propre voie en meilleure connaissance de cause et de conséquence.
Figure 2a - Le paysage des pratiques agro-écologiques (F. Léger)
On peut dessiner la carte un peu différemment (fig. 2b) en organisant, au risque d'une vision un peu réductrice et classificatoire, ces mêmes familles selon les qualifications de « non durable » / « durabilité faible » / « durabilité forte ».
Figure 2b - Durabilité, agro-écologie et familles de l'agriculture occidentale
Textes de référence relatifs à la question
La Loi d'Avenir pour l'Agriculture et la Forêt (LAAF- 2014) fait de l''agro-écologie une exigence pour une agriculture plus durable. Le projet agro-écologique pour la France donne l'orientation de cette politique, notamment au travers de plusieurs plans (ambition Bio 2017, Ecoantibio, protéines végétales pour la France 2014-2020,...). Pour l'enseignement agricole, le projet stratégique "Enseigner à produire autrement" décline cette orientation.Base documentaire sur ce sujet
- CHLOROFIL , rubrique "Enseigner à produire autrement et Education au développement durable"
- Féret S. (2000). Les 7 familles d'agriculture durable, Transrural Initiatives (à élargir aux 13 familles de l'agro-écologie (selon F. Léger)
- Gliessman S.R.(1998). Agroecology: Ecological Processes in Sustainable Agriculture. CRC Press (Lewis Publishers), Boca Raton, USA
- Griffon M. (2013). Qu'est ce que l'agriculture écologiquement intensive ? Édition Quae
- Stassart P.M., Baret P., Grégoire J.-C., Hance T., Mormont M., Reheul D., Stilmant D., Vanloqueren G. & Visser M. (2012). L'agro-écologie : trajectoire et potentiel. Pour une transition vers des systèmes alimentaires durables.
Ressources et outils pédagogiques
- Les ressources de la mission Agrobiosciences Voir la fiche- Get it global : Manuel très complet pour aborder les objectifs des Nations Unies pour le DD, des activités pour aborder chacun des objectifs avec les jeunes Voir la fiche
- L'empreinte carbone des éléphants : Cette activité encourage les participants à réfléchir à leurs consommations et leur
empreinte carbone. Voir la fiche
- Hungry Planet : Voir la fiche
- La solution est dans l'assiette : Voici un outil de sensibilisation de la fondation de Yann Arthus Bertrand sur les solutions concrètes liées à notre alimentation pour agir contre le réchauffement climatique. Voir la fiche
- L'itinéraire d'un steack haché : A partir du Kit pédagogique du réseau action climat, le RED et Lafi Bala ont eu l'idée de proposer un jeu de puzzle à reconstituer Voir la fiche
- Fiches ADEME sur la transition écologique du secteur agricole Voir la fiche
Témoignages
- L'exemple de la ferme du Bec Hellouin vue par l'INRA - Michel Griffon explique sa vision de l'agro-écologie et les impacts en termes d'enseignement. Eduquer à l'agro-écologie, Reportages EDD, RNEDD- Fervent défenseur de l’approvisionnement de produits issus des circuits courts et de saison, le lycée Carmejane près de Digne-les-Bains propose une restauration de qualité portée par une équipe très engagée.Carmejane
- Travail engagé à Caulnes et en région dans le cadre d'un tiers temps alimentation durable : voir la vidéo
Haut de page