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Espace religieux , lieux de culte et territoire

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Dessin d'illustration
En France, la religion s'est inscrite dans le marquage territorial en découpant l'espace en territoires institués dont le maillage va dépendre en partie du niveau d'institution ou officialisation de la religion en question. Très tôt le catholicisme s'est fondu dans les provinces romaines à travers les diocèses et les paroisses, ces mêmes paroisses qui au Moyen Age, avec les communautés, structurent le territoire. Avec l'effondrement de la monarchie ces deux institutions vont continuer à se révéler comme des espaces de vie sociale qui vont devenir la division de base du système administratif français : les communes. En réalité, les communautés étaient des "paroisses fiscales" dans des villes abritant plusieurs clochers.

Au 1er janvier 2018, la France comptait 35 357 communes, un nombre qui s'approche des paroisses sous l'ancien régime. A la Révolution, certains révolutionnaires, imprégnés de la philosophie des Lumières entendaient rompre avec le passé et créer des districts, mais après de longs débats, c'est la proposition de Mirabeau qui l'emporta et l'assemblée institua les communes par la loi du 14 décembre 1789.

Dès le XIX e siècle et tout au long du XXème siècle de profonds bouleversements vont accélérer la déchristianisation et la sécularisation de la société française. Si les lois relatives à la séparation des Églises et de l’État et à l’exercice public des cultes entre 1905 et 1907 ont joué un rôle important, les évolutions de la société ont également accompagnées ce mouvement profond. Depuis 1905, le paysage religieux de la France a changé. De nouvelles religions sont apparues et se sont enracinées dans notre pays. Si les bâtiments catholiques prédominent dans les territoires ruraux, les métropoles voient l’expansion de nouveaux
cultes.
Selon un rapport du Sénat de mars 2015, le culte catholique, historiquement ancré dans les territoires, dispose de la majorité des lieux de culte : 45 000 églises dont 40 000 qui appartiennent aux communes et 5 000 aux diocèses. Le culte protestant dispose d’environ 4 000 lieux de culte, dont 1 400 se rattachent aux Églises luthériennes et réformées et 2 600 aux Églises évangéliques. Le culte juif a stabilisé le nombre de ses lieux de culte, et la France abrite aujourd’hui le plus grand patrimoine synagogal d’Europe avec plus de 420 synagogues. Le culte orthodoxe connaît aujourd’hui une croissance du nombre de ses fidèles, en raison du dynamisme des flux d’immigration en provenance de pays à majorité orthodoxe. On dénombre environ 150 églises orthodoxes sur le territoire. Le culte musulman, qui compte 2 450 mosquées, est en phase de rattrapage dans la constitution d’un patrimoine immobilier correspondant à ses besoins. Implanté surtout en région parisienne et dans les grands bassins de population, l’islam est aujourd’hui la deuxième religion dans notre pays et concerne des populations variées issues du Maghreb, de l’Afrique et de la Turquie.
Ainsi, si « l’église est toujours au centre du village », la religion a de moins en moins d’emprise sur les espaces et sur les citoyens. L’espace sacré recule face à un cadre de vie de plus en plus profane.


Qui finance les lieux de culte en France?

En vertu de l’Article II de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat : "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte". Cet article stipule que l’Etat français renvoie le religieux à la sphère privée, et ne finance donc aucun culte sur son territoire, et ce quelle que soit la religion. Cependant,
selon la loi de 1905, tous les édifices religieux (synagogues ou églises) bâtis avant 1905 sont la propriété de l’Etat, qui les prête gratuitement aux églises. De fait, l’Etat ou les collectivités territoriales sont tenus de financer la restauration et l’entretien de certains bâtiments à leurs propres frais. Il n’en est pas de même pour les lieux de culte construits après le vote de la loi de 1905, ils doivent être financés et entretenus sans que l’Etat ne leur vienne en aide (par des legs, dons des fidèles et financement des Etats étrangers). Si la loi de 1905 interdit donc de subventionner les associations cultuelles, la loi de 1901 sur les associations autorise le financement des associations culturelles. Grace à cette loi, les cultes peuvent bénéficier indirectement de l’argent de l’Etat pour financer les centres culturels et religieux. Une maire peut louer des locaux pour une faible somme à des cultes (« bail emphytéotique »).


Du principe aux exceptions au droit des cultes issu de la loi de 1905

Le cas de l'Alsace et de la Moselle reste une singularité dans l'environnement laïc institué par la loi de 1905. Un droit local y est appliqué conformément à l'entrée en vigueur du Concordat de 1802. Le président de la République française est, avec la pape, le seul chef d'Etat au monde à pouvoir nommer des évêques catholiques à Metz et à Strasbourg. L' Etat peut même salarier les ministres des cultes. La raison en est simple : En 1905, ces territoires ne faisaient plus partie de la République française (perte de l’ « Alsace Lorraine » en 1870 au profit de l’Empire allemand), et à la reconquête de ces territoires, en 1918, il était impossible de faire rétroagir la loi. En 1924, Édouard Herriot a tenté d'abolir ce "régime concordataire", mais a dû reculer face à la violence des réactions dans la région, et à la peur de réveiller des velléités d'autonomisme. Un "régime spécifique des cultes en Alsace-Moselle" est toujours en vigueur.

A ce jour encore, dans ces territoires, comme sous le Concordat de 1802, quatre cultes sont reconnus : le culte catholique, les cultes protestants luthérien et réformé et le culte israélite. Ces cultes sont dotés, pour l’exercice de leur mission, d’organismes ayant la personnalité morale, les établissements publics du culte. En conséquence, un enseignement religieux est dispensé dans les écoles publiques, ce qui est interdit dans les autres départements français. Ce statut pose problème pour la religion musulmane et les 100 000 fidèles que comptent ces trois départements, en effet l'islam n'y est pas un culte reconnu.

Dans une décision du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a jugé que le droit local en vigueur en Alsace-Moselle était conforme à la Constitution, au nom de la tradition républicaine établie depuis 1919. Le Conseil a considéré que la proclamation du caractère laïque de la République dans la Constitution ne signifiait pas pour autant la remise en cause des dispositions applicables dans certaines parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la Constitution.

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Depuis la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, la France est un État laïque : la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte (article 2). Cependant on retrouve une singularité en Guyane qui est toujours sous le régime de l'ordonnance royale de 1828. Seul y est reconnu le culte catholique. Les ministres de ce culte sont des salariés du conseil général de Guyane. L’évêque a un statut d’agent de catégorie A, les 29 prêtres sont des agents de catégorie B.

Dans une décision du 2 juin 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que la rémunération des ministres du culte par la collectivité territoriale de Guyane était conforme à la Constitution.

En outre, les décrets-lois de 1939, dits décrets Mandel , qui permettent à toutes les sensibilités religieuses de bénéficier d’une aide publique s'appliquent dans ce territoire. En effet, en raison de la non-application de la loi de 1905, le régime cultuel issu de ces décrets autorise un financement public du culte. ces décrets s'appliquent aussi en Polynésie française, Wallis et Futuna, Saint Pierre et Miquelon.

Pour ce qui est des collectivités locales si elles peuvent prendre des décisions ou financer des projets en rapport avec des édifices ou des pratiques cultuels, elles ne peuvent le faire qu’à la condition que ces décisions répondent à un intérêt public local, qu’elles respectent le principe de neutralité à l’égard des cultes et le principe d’égalité et qu’elles excluent toute libéralité, et par suite toute aide à un culte. Ainsi, pour le conseil d'état, la mise à disposition d’une association, de façon pérenne et exclusive, d’une salle polyvalente en vue de l’exercice d’un culte a pour effet de conférer à ce local le caractère d’édifice cultuel et méconnaît les dispositions de la loi de 1905.

Par contre, en Alsace Moselle, les collectivités territoriales peuvent subventionner les cultes statutaires au-delà des strictes nécessités de l'équilibre financier. Ce régime autorise donc le subventionnement de la construction d'édifices cultuels. Dans tous les cas, la mise à disposition d'un lieu culturel peut être réfusée au motif de troubles à l'ordre public.


Des repères spirituels, temporels et spatiaux

A travers les sépultures et les lieux de culte, les hommes ont émaillé leurs territoires de repères qui leur rappellent la puissance et la grandeur des divinités qu'ils vénèrent : dolmens, tumulus, alignement de menhirs et autre mégalithes dont certaines n'ont pas encore livré tous leurs secrets, oppidums, statues, territoires sculptés, reliquaires, calvaires, temples, chapelles, reposoirs ou simple croix rappellent aux habitants des territoires la présence des dieux. Ces lieux spirituels sont devenus également des lieux patrimoniaux, culturels et touristiques très visités.

Les lieux, les rituels et les temps religieux peuvent marquer le territoire au-delà de la communauté auxquels ils s'adressent. On peut citer par exemple dans les campagnes les nombreuses croix aux détours des chemins qui deviennent des repères pour le cheminant, les horloges qui sont assimilées aux cloches des clochers, les angélus , annonciateurs de l'heure de la prière à la vierge Marie, qui continuent de sonner dans les campagnes et deviennent des repères temporels. De même, certains jours de fêtes religieuses comme le lundi de Pâques, Noël ou le jeudi de l’ascension s'imposent de fait aux croyants comme aux non croyants. Le « calendrier grégorien », adopté par l’Eglise catholique et la papauté à la fin du XVIe siècle, s’est imposé comme le calendrier civil de référence dans le monde.

La loi de 1905 contient également un titre sur la police des cultes. La religion qui est définie comme une affaire privée peut aussi avoir une forte visibilité ou présence dans l’espace public. Cela peut donc poser question : peut-on participer à un pèlerinage religieux dans la rue ? Peut-on faire sonner les cloches des églises dans un village ?

Si la pratique religieuse est bien devenue une affaire privée depuis la loi de 1905, elle n’interdit pas les pratiques dans l’espace public, si elles ne remettent pas en cause l’ordre public. Ces manifestations à caractère religieux qui ont lieu sur la voie publique sont soumises à une déclaration préalable au même titre que les manifestations syndicales ou politiques. Par ailleurs, depuis la loi de 1905, c’est le maire qui est compétent pour réglementer les sonneries de cloches : "les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal, ou, en cas de désaccord entre le maire et le président de l’association cultuelle, par arrêté préfectoral". Le maire règle "les cloches des églises dans l’intérêt de l’ordre et de la tranquillité publique". En outre, les cloches des églises peuvent être utilisées pour des sonneries civiles. Mais un maire ne peut ordonner de sonnerie de cloche pour les enterrements ou les mariages civils.




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