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Le code Napoléon
Le code Napoléon

Un certain regard

La responsabilité est l'obligation ou nécessité morale de répondre, de se porter garant de ses actions ou de celles des autres (1)
Face à la complexité et l'incertitude croissante, des questions se posent. A l'égard de quoi/qui est-on responsable ? Les êtres humains ? Les vivants ? [Marcel Jaeger (2), François Ost (3), Michel Serres (4)].
Jusqu'où le principe de responsabilité peut-il être invoqué ?
En termes d'éducation, c'est fondamentalement le processus de responsabilisation qu'il convient d'engager avec les jeunes.



Explicitations
Origines et évolutions
Les Romains méconnaissaient la distinction entre la responsabilité civile et pénale et aussi entre la responsabilité contractuelle et délictuelle, car en droit Romain il y avait une confusion entre l'idée de peine et celle de réparation, d'où le caractère mixte des actions intentées en justice. Ces actions avaient à la fois pour but de punir et de réparer, ce qui n'est plus le cas dans le droit moderne ou on juge d'abord au pénal (punition) avant de juger au civil (réparation). (5)
Chez les Francs, on apprécie la gravité du dommage à la qualité de la victime et l'on peut racheter des droits à vengeance.
Sous l'Ancien régime, on détache progressivement le principe de responsabilité civile de celui de la responsabilité pénale (6). Le code civil distinguera la responsabilité délictuelle, quasi délictuelle, du fait des choses et du fait des animaux et bâtiments.

Les formes juridiques du principe de responsabilité
La responsabilité engage le citoyen, on la dit « civile ». Il faut cependant distinguer dans la responsabilité civile
-La responsabilité contractuelle qui se fonde sur l'exécution ou l'inexécution des clauses d'un contrat (7)
-La responsabilité quasi délictuelle (8) qui désigne une faute qui n'a aucun caractère répréhensible, mais qui a causé un dommage à autrui, et qui crée une obligation de la réparer (9).
-La responsabilité délictuelle (10) visant à régir les situations où une personne cause injustement ou intentionnellement un préjudice à autrui.

La responsabilité chez les philosophes
Aristote (Wikipedia)
Aristote
Pour Aristote, la responsabilité de l'auteur de l'injustice est conçue comme le devoir d'assumer les effets d'une compensation, d'une réparation sous la forme d'une peine ou d'une sanction, ou encore comme l'acte de réhabilitation à l'égard de l'égalité perdue. Au XIIIème siècle, Thomas d'Aquin opère une division entre responsabilité juridique et responsabilité morale. La loi naturelle, d'origine divine, renvoie désormais à la responsabilité morale. (11)
Pour Descartes, la raison rappelle à l'être humain ses devoirs et ses obligations en lui permettant de juger à bien ou à mal l'ensemble des actions qu'il est susceptible d'entreprendre. La responsabilité s'établira sur la base du libre arbitre.
Spinoza contestera cette vision aux motifs que l'ignorance des causes de nos comportements nous conduit à la croyance que nous sommes libres des conduites que nous adoptons. (12)

Les cas d'exonération ou d'atténuation de responsabilité
-La démence (121-1 du Code pénal.)
-La contrainte (122-2 du Code pénal)
-L'erreur de droit (122-3 du code pénal)
-La minorité (122-8 du code pénal ) (13)
-L'état de nécessité (art 122-7 du code pénal) (14) notion définie par la jurisprudence.
-La légitime défense (art 122-5 et 122-6 du code pénal)
-Le dol et la violence, ces vices du consentement permettent, ainsi que l'erreur, de revenir sur un engagement. (article 1109 du code civil)
-La force majeure (15)
-Le fait du tiers à condition que le tiers n'ait pas un lien avec le responsable.


Actualité du principe
La responsabilité et le principe de précaution
Pour Hans Jonas, le principe de responsabilité doit interdire à l'homme d'entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger autant l'existence des générations futures que la qualité de l'existence sur terre dans le futur. (16)
Hans Jonas a inspiré fortement ce que nous appelons aujourd'hui en droit français, sur la base des directives européennes, le principe de précaution.
En matière de dommages à l'environnement, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, inscrit le préjudice écologique dans le code civil (Art. 1386-19 - Toute personne responsable d'un préjudice écologique est tenue de le réparer).

La responsabilité collective
La responsabilité collective permet de reprocher l'infraction commise par une seule personne à l'ensemble du groupe auquel elle appartient (17). Ce type d'imputation peut se rencontrer en droit civil et en droit disciplinaire, mais n'est par reconnu par le droit criminel contemporain. " Il existe une responsabilité pour des choses que nous n'avons pas commises, mais dont on peut néanmoins être tenu pour responsable. Mais être ou se sentir coupable pour des choses qui se sont produites sans que nous y prenions une part active, est impossible."

La responsabilité solidaire
Il y a responsabilité solidaire lorsque plusieurs responsables répondent ensemble du même dommage. Chaque auteur répond de la totalité de l'indemnité. Le lésé peut adresser ses prétentions au responsable de son choix. Les auteurs du dommage règlent la répartition de l'indemnité entre eux.

Du principe de responsabilité au processus de responsabilisation
Face aux incertitudes sécrétées par la complexité du monde, des phénomènes liés à la science et au vivant, un flou entoure le principe de responsabilité puisqu'il s'agit à la fois de prendre acte de l'incertitude quant à la pertinence de nos choix et de se confronter à l'obligation d'en assumer les conséquences.
La responsabilité passe par le fait de pouvoir imputer une action à une personne. Or cette imputation est aujourd'hui mal aisée [Ricœur (18)]. Du point de vue sociologique, cela implique de mettre l'accent sur l'acteur (ou sur un ensemble d'acteurs) plus que sur le système : si ce dernier peut déterminer pour beaucoup le comportement des individus, il ne les exonère pas de l'obligation de dire ce qu'ils ont fait de leur implication personnelle. En clair : le poids de l'organisation ne dispense pas les « acteurs » d'énoncer ce qu'ils ont fait de leur implication personnelle, même s'ils ne sont pas dans un statut de « responsable » au sens hiérarchique.


Ne pas confondre
Responsable et coupable - Le premier doit assumer les conséquences de ses choix, le second a commis une faute répréhensible.
Responsable et impliqué - La personne impliquée ne porte qu'une part de la responsabilité.
Responsable et incriminé - Quelqu'un qui est incriminé est supposé responsable d'une action punissable.
Responsable et capable - Une personne capable est apte à avoir des droits et des obligations et à les exercer elle-même.


Ne jamais oublier
Article 11 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. « Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international.
(19)
De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis. »
Cet article à valeur constitutionnelle nous rappelle la prudence nécessaire avant toute forme d'accusation d'une personne, mais aussi d'une imputation sur cette personne d'une quelconque forme de responsabilité.
Il consacre par ailleurs la non rétroactivité de la loi pénale.


En résumé
Ci-dessous une vidéo : L'éthique du futur (UVED)

On peut ainsi distinguer trois grandes formes de responsabilité, historiquement situées (fig. 1).
Une première s'inscrit dans un temps long et concerne la responsabilité d'humains envers les humains. Une seconde est apparue avec la notion de développement durable (rapport Brundtland, 1987) (20) et envisage une responsabilité vis-à-vis des générations futures (cf. p rincipe de précaution). Plus largement elle ouvre vers une responsabilité vis-à-vis du vivant.
Au-delà, une autre conception élargit le notion de « responsabilité », à celle d'un processus insistant davantage sur l'interaction institutionnelle, sociale,et éducative nécessaire et renouvelée (continuée) pour envisager une responsabilité (la responsabilisation). C'est notamment le débat sur le droit « de », « à », « pour » l'environnement (François Ost, Michel Serres) qui a ouvert cette réflexion.


Différentes conceptions
Figure 1 - Du principe de responsabilité au processus de responsabilisation
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Schéma : Du principe de responsabilité au processus de responsabilisation






















Notes
1- Dictionnaire Larousse
2- Jaeger M. (2009). Du principe de responsabilité au processus de responsabilisation, Vie sociale, n°3, p. 71-81.
3- Ost F. (1995). La nature hors la loi. L'écologie à l'épreuve du droit, La Découverte.
4- Serres M. (1999). Le contrat naturel. De la nature du droit aux droits de la nature, Flammarion, Champs essais.
5 - On disait jusqu'en mars 2007 que "le pénal tient le civil en l'état", c'est à dire qu'il était jugé avant. Ce n'est plus tout à fait vrai, désormais, le juge civil ou commercial a le pouvoir d'apprécier la caractère sérieux de la procédure pénale engagée et n'a plus l'obligation de prononcer automatiquement un sursis à statuer en attendant le jugement pénal, qui reste toutefois prononcé à part.
6- Sous l'influence de Jean Domat
7- Article 1134 du code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. »
8- Article 1383 du code civil
9- C'est ici qu'il faut être attentif à la différence entre responsable et coupable. Le coupable a commis une faute (culpa).
10- Article 1382 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
11- Le droit français actuel est l'héritier de cette conception thomiste en ce sens où il tend à rapprocher la faute morale de la faute pénale. L'acte intentionnel revêt une grande importance dans l'établissement de la responsabilité de l'individu.
12- On est proche du déterminisme, une notion philosophique selon laquelle la succession de chaque événement est déterminée en vertu du principe de causalité, du passé et des lois de la physique.
13- Attention ! Il n'existe donc pas d'âge minimal de responsabilité pénale en France. La responsabilité pénale des mineurs est reconnue si le mineur est capable de discernement, quel que soit son âge. Si tel est le cas, les conditions de cette responsabilité sont fixées par une loi particulière (l'ordonnance du 2 février 1945).
14- L'état de nécessité s'entend de la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale. L'infraction commise ne doit pas être disproportionnée à la gravité de la menace.
15- Circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de celui qui l'éprouve, qui a eu pour résultat de l' empêcher d'exécuter les prestations qu'il devait effectuer ou de le mettre en situation d'agir dans un contexte répréhensible.
16- Un impératif moral formulé en quatre items. 1- Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre. 2- Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie. 3- Ne compromets pas les conditions de la survie indéfinie de l'humanité sur terre. 4- Inclus dans ton choix actuel l'intégrité future de l'homme comme objet secondaire de ton vouloir.
17- Il faut être très prudent avec cette notion car elle peut, en période de tensions comme celles que nous vivons aujourd'hui, générer des amalgames.
18- Ricœur P. (1994). Le concept de responsabilité, Essai d'analyse sémantique, Esprit, novembre, p. 28-48, repris in Le Juste 1, Ed. Esprit, 1995, p. 41-70.
19- C'est un adage du droit romain : « Il ne peut y avoir de crime ni de peine sans loi »
20- Brundtland G.H. (1987). Our common future, ONU.


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