Pour commencer, une courte vidéo résumant la notion de laïcité telle qu'elle est définie par la loi française.
Des élèves en situation
Un web documentaire a été réalisé avec des élèves de lycée agricole. Ce document met en scène quatre situations pour comprendre et débattre autour du concept de laïcité.Quatre situation particulières mettant en question le principe de laïcité sont jouées par des comédiens, ensuite un groupe d'élèves s'approprie la scénette et la joue à son tour.
Un débat est ensuite organisé autour de cette restitution, et Nicolas Cadène apporte un éclairage d'expert sur des temps forts ou des problématiques soulevées dans le web documentaire. Ce web documentaire est accessible en cliquant sur ce lien
Un certain regard
D'abord, selon Henri Pena-Ruiz (1), il faut faire attention à l'orthographe. Il y a une différence entre "laïc" (vocabulaire de l'église, vocabulaire s'opposant à clerc) et "laïque" (enseignement laïque indépendant de la religion) ; les mots ont leur importance.Pour le Larousse, en France, la laïcité une conception et une organisation de la société fondée sur la séparation de l'Église et de l'État et qui exclut les Églises de l'exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l'organisation de l'enseignement.
Explicitations
Les fondementsOn considère que la laïcité repose sur deux piliers : la séparation de l'église et de l'Etat d'une part, et la liberté de conscience d'autre part. La déclaration des droits de l'homme et du citoyen évoque à ce sujet la « liberté de conviction ». Dès le XVIIIème siècle, pour les philosophes des Lumières, la liberté de conscience ou de conviction s'inscrit dans un projet émancipateur. Voltaire parle de la nécessaire séparation de la religion et de la politique.
On peut retenir cinq évènements fondateurs de la laïcité française aussi bien sur l’aspect philosophique que sur l’aspect juridique, qui aujourd’hui est le plus important.
- La révolution française et notamment l’article X de la DDHC, que vous rappelez.
- Le concordat de Napoléon, encore en vigueur dans certaines zones dérogatoires à la loi de 1905.
- La laïcisation de l’école.
- La loi du 9 décembre 1905
- Les corpus juridiques de la fin du XXème siècle début XXI, notamment la loi du 15 mars 2004
Un combat de longue date
Pour les chrétiens, en 362 Julien l'Apostat interdit d'enseigner la grammaire, la rhétorique et la philosophie. Il est en quelque sorte le premier défenseur de l'enseignement laïque, et en tout cas profane, mais sa règle ne survivra pas à l'édit de Théodose qui officialisera le christianisme en 392 comme religion d'état.
Pour les musulmans, en 1188, le Philosophe Ibn Rushd (Averroès), un des plus grands philosophes de la civilisation islamique, est accusé d'hérésie (2) parce qu'il « renvoie » la religion à la sphère privée... à la différence de son contradicteur Al-Ghazali
Chez les Juifs, Spinoza, le premier laïque de l'histoire a été banni par les Juifs portugais d'Amsterdam pour hérésie (3) pour avoir affirmé que « Dieu n'existe que philosophiquement. »
Les « pour » et les « contre »
L'approche française d'un État laïque ne se retrouve pas partout. Certains États européens conservent une religion d'État (Royaume-Uni), tandis que d'autres, tout en fixant le principe de la liberté religieuse, privilégient une religion en particulier ou interviennent dans la vie religieuse, par exemple en la finançant (Allemagne). En France, les religions n'ont pas à intervenir dans les affaires de l'état, aux États -Unis, c'est l'inverse qui se produit.
La reine d'Angleterre est le chef de l'église anglicane et le président américain prête serment sur la bible et conclut souvent ses discours par « Que Dieu bénisse l'Amérique ». Le billet d'un dollar porte la mention : « in God we trust » (4), mais ce dieu est considéré comme commun à toutes les religions monothéistes.
Que dit la jurisprudence ?
En 1992 Le conseil d'État (7) adopte une interprétation souple du principe de laïcité comprenant la neutralité du service public et la liberté de croyance des élèves. La loi de 2004 va apporter un éclairage différent sur le sujet.
Ce qu'il est intéressant de noter, c’est que le conseil d’état en 1989, après « l’affaire du foulard de Creil » dit dans un premier temps que le port de signe religieux à l’école ne remet pas en cause le principe de laïcité. Le conseil d’état donne la responsabilité aux chefs d’établissement de gérer les situations au cas par cas.
Il faudra attendre la commission Stasi en 2003 pour que 26 nouvelles propositions soient faites pour l’école, dont une seule sera légiférée. La loi du 15 mars 2004 inscrite dans le code de l’éducation.
Cette proposition qui est faite par la Commission Stasi et qui va s’inscrire dans le cadre réglementaire par la suite repose au départ sur deux piliers : le non prosélytisme (10) entres élèves et la protection des enseignants et de leurs enseignements.
Que dit le droit ?
-1789 : la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen institue la liberté religieuse (5)
-La constitution de 1791 établit la liberté des cultes et accorde des droits identiques aux religions présentes alors en France : catholique, judaïque et protestante.
-1905 : la Loi de séparation des Églises et de l'État (6)
-Le principe de la laïcité de l'État est posé par l'article 1er de la Constitution française de 1958.
-Loi numéro 2004-228 du 15 mars 2004, encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics . Cette loi est très souvent mal comprise, et encore moins bien appliquée. Elle a donné lieux à une interprétation laïciste de beaucoup d’enseignants qui confondent leur neutralité de fonctionnaire avec ce que dit le code de l’éducation pour les élèves.
Le décret d’application de la loi du 15 mars 2004 tolère même pour les élèves des signes discrets, alors que cette loi est souvent interprétée comme une interdiction totale de porter des signes
L'extension du principe de laïcité
- La laïcité trouve sa principale expression dans l'enseignement, mais se traduit aussi par un encadrement des relations financières entre les collectivités publiques et les religions ainsi que par le principe de neutralité des services publics.
Elle repose sur deux principes : l'obligation de l'État de ne pas intervenir dans les convictions de chacun et l'égalité de tous devant la loi, quelle que soit leur religion. Elle implique ainsi la liberté de conscience et de culte, la libre organisation des Églises, leur égalité juridique, le droit à un lieu de culte, la neutralité des institutions envers les religions, ainsi que la liberté d'enseignement.
Le principe de laïcité entraîne la neutralité du service public, de ses agents, et le fait que le service public d'enseignement peut être dispensé par des établissements privés y compris par des fédérations clairement marquées religieusement, voire que des aumôneries peuvent trouver leur place au sein d'établissement d'enseignement.
La neutralité des agents de l’état est structurée par la loi Le Pors du 13 juillet 1983 et rappelée dans la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Les Etats laïques dans le monde
Rares sont les pays à avoir inscrit la laïcité dans leur constitution. Cuba (1959), la France (1905->1958), l'Inde (1976), le Japon (1947), le Mexique (1917), le Portugal (1976), l'Uruguay (1964) et la Turquie (1937). A Bagdad, sans pour autant l'avoir gravé dans le marbre, Saddam Hussein garantissait la laïcité de l'Irak.
Les Etats non laïques
En Europe, Les Pays-Bas, la Belgique, L'Espagne, Monaco, l'Allemagne, la Norvège et la Grèce sont également des pays qui ne s'affirment pas laïques. Beaucoup de pays musulmans s'affirment non laïques : les Emirats Arabes Unis, le Koweït, la Libye, la Syrie, le Maroc, l'Algérie, l'Égypte, le Soudan, la Somalie, la Palestine, le Djibouti, la Mauritanie, le Sultanat d'Oman...
Les paradoxes
Des Etats laïques intègrent dans leurs calendriers des fêtes religieuses qui sont devenues des fêtes nationales (Israël), c'est aussi le cas des fêtes chrétiennes en France qui font partie du paysage culturel malgré la stricte laïcité de la République.
Le Premier Amendement (1791) à la Constitution américaine garantit la séparation des Eglises et de l'Etat fédéral, l'absence de toute religion établie (established religion), c'est-à-dire politiquement privilégiée, et la pleine liberté de conscience.
Sur le plan des relations entre les Eglises et l'Etat, l'Amérique est proche de la France ; mais en ce qui concerne la vitalité de la religion dans la société et son rôle symbolique dans certains actes de la vie publique, France et Etats-Unis sont très opposés. L'appartenance religieuse est considérée par les Américains comme un ciment du tissu social.
Ne pas confondre
Laïcité et Laïcisme. Le laïcisme est un terme péjoratif utilisé pour fustiger des mesures extrêmes, prises par certains fervents partisans de la laïcité, contre la présence de certaines visibilités ou exigences religieuses dans la sphère publique.Laïcité et anticléricalisme. Ce dernier consiste à estimer que le clergé est trop puissant, voire nuisible, et doit être jugulé.
Les termes en lien avec la laïcité
Liberté de conscience - discrimination - signes religieux ostentatoires - séparation de l'Eglise et de l'Etat - neutralité du service public - égalité de tous devant les services publics
Liens avec d'autres fiches
Égalité, fraternité, citoyenneté, lutte contre les discriminationsLiens externes
Décret du 3 avril 2017 portant nomination du président de l'observatoire de la laïcitéDécret du 3 avril 2017 portant nomination des membres de l'observatoire de la laïcité
Lettre du Réseau insertion égalité de mai 2O21 Valeurs de la république:: enjeux et pistes d'actions dans nos établissements aujourd'hui
En résumé
Le sociologue et historien Jean Baubérot (8) distingue sept conceptions de la laïcité en France. Son regard peut être utile pour mieux comprendre les tensions encore aujourd'hui présentes dans les débats, les « invectives » et parfois certains actes délictuels1- le courant anti-religieux ;
2- le courant gallican ;
3- le courant séparatiste canal historique (1905) ;
4- le courant séparatiste moderne ;
5- le courant laïcité ouverte ;
6- le courant identitaire ;
7- le courant concordataire.
(Voir figure 1 ci-après)
Différentes conceptions
Les 7 laïcités de Jean Baubérot proposent un regard historicisé de la laïcité et permettent de distinguer les conceptions qui se sont affrontées au tournant du XXe siècle et celles qui s'affrontent aujourd'hui dans le débat public (voir EDUSCOL).Ci-dessous une vidéo : Les sept laïcités de Jean Baubérot
Pour s'y retrouver plus facilement, distinguons d'abord deux temps dans cette question de la laïcité.
Au début du XXe siècle, la notion prend corps en France au travers la séparation de l'Église et de l'État en 1905 (fig.1 et 2). La tension forte réside entre les partisans d'une "quasi négation" de la religion, catholique notamment (courant anti-religieux), et ceux d'une séparation plus ou moins stricte/inclusive (courant séparatiste inclusif). C'est cette dernière tendance qui l'emporte en 1905.
Aujourd'hui, le débat est différent parce que les conditions historiques et l'état de la société sont bien différents. Avec la fracture sociale, les tensions autour de la radicalité islamiste (Roy, 2013) (9), on assiste en fait à un "glissement vers la droite" du débat (fig. 1 et 2). D'une part, des individus et des groupes ouverts aux changements sociétaux des années 1960-70, qui se réclament d'une religion et privilégient les aspects d'ouverture envers les religions (laïcité ouverte). D'autre part, les tenants d'une "laïcité identitaire" sont très actifs pour faire entendre (sur la scène médiatique) leur point de vue "contre l'Islam".
Figure 2 - Didactisation des laïcités (Gaborieau & Peltier, d'après Baubérot 2015 et Roy 2013)
Didactiser le travail de Jean Baubérot permet de le rendre plus accessible, notamment pour les apprenants. Nous n'avons retenu ici que « 4 laïcités » qui permettent de saisir les enjeux du débat.
Ce qui est essentiel pour se faire une opinion, comprendre et prendre part au débat, ce sont les 4 critères que Baubérot dégage : liberté de conscience, égalité des droits, séparation Eglise / Etat, neutralité (fig. 3 et 1). Ceux-ci permettent de distinguer les postures des acteurs se réclamant de l'une ou l'autre des laïcités en concurrence en France, et plus largement les conceptions du vivre ensemble qui se cachent derrière.
Figure 3 - 4 critères discriminant les différentes laïcités
Notes
Haut de page